Dix mois quasiment jour pour jour après son élection dans des circonstances pour le moins rocambolesques, Daniel Duquenne, victime d'un AVC en octobre dernier, vient de rendre son écharpe de maire. Officiellement pour raison de santé...
C'était en juin dernier. La campagne pour l'élection anticipée, qui allait donner un successeur à Gérard Dalongeville, battait son plein. Parmi les candidats : Daniel Duquenne, un socialiste à la tête d'une association politique ratissant large : l'Alliance républicaine. Rassurant dans son costume bleu assorti à la cravate, l'homme avait surtout enfilé la tunique du super-héros, capable de battre le FN, de sortir la ville de son marasme économique. Élu grâce aux pions de tout l'échiquier rassemblés derrière lui pour barrer la route à la liste de Steeve Briois et Marine Le Pen, il a rempli tant bien que mal sa première mission. Mais la seconde... Disons que la fatalité ne lui en pas laissé le temps. Victime d'un accident cardio-vasculaire début octobre, le maire a lâché les rênes à son 1er adjoint, Eugène Binaisse. Et depuis, sa convalescence perdurait. Alors qu'on s'attendait à l'annonce de son retour, c'est sa démission, transmise au préfet du Pas-de-Calais, que la ville a pris en pleine figure. Officiellement pour raison de santé. « Il va physiquement et intellectuellement de mieux en mieux mais il reste fatigable et a donc préféré se retirer. ça lui appartient », commente Georges Bouquillon, « voisin, ami et collègue » du maire partant, 3 e adjoint et non médecin comme il tient à le rappeler. « Fatigable », c'est la maigre explication dont il faut se contenter, Daniel Duquenne faisant montre ces dernières heures d'une grande discrétion avec la plupart des médias. Dommage. Une fois n'est pas coutume, les habitants d'Hénin doivent se sentir abandonnés.
Si la majorité est avare de commentaires, les élus du FN ont grand mal à avaler le motif de la démission. Ou alors le calendrier est vraiment coquin. Ce lundi en effet, à la stupeur générale, le rapporteur public du conseil d'État devrait rendre un avis favorable au recours sur l'inéligibilité de Daniel Duquenne déposé par Steeve Briois après un échec devant le tribunal administratif de Lille. Et les protagonistes du dossier, comme le veut la législation, ont reçu copie de cet avis.

Hasard du calendrier ?
Pour les frontistes, c'est ce qui a entraîné ou précipité le départ du maire. « Tout vient de notre requête, dont tout le monde se moquait... L'équipe Duquenne a une trouille bleue qu'on retourne aux urnes, alors elle a choisi la manoeuvre, le hold-up électoral, mais nous allons demander au conseil d'État d'annuler l'élection. Après avoir fait plier Dalongeville, puis Duquenne, on va continuer », prévient Bruno Bilde, le juriste du FN. Du côté de la majorité, l'argumentaire de l'ennemi laisse muet. La démission du maire ne serait que pure coïncidence ? « C'est vous qui le dîtes », répond Georges Bouquillon, qui connaissait mieux que quiconque les talents procéduriers des frontistes, ayant lui même fait un jour appel à leurs services pour rédiger un mémoire contre Gérard Dalongeville devant le tribunal administratif...
C'est ce qu'on appelle l'ironie du sort.
Maintenant, que va-t-il se passer ?
Demain, le rapporteur public du conseil d'État, auquel le leader frontiste d'Hénin, Steeve Briois, a demandé de prononcer l'inéligibilité de Daniel Duquenne, doit rendre un avis favorable. La décision ne devrait pas être connue avant la fin du mois, mais il n'est pas dans les us et coutumes des magistrats de la plus haute juridiction civile du pays de jouer les contradicteurs. Autrement dit, le FN est quasi assuré de gagner. Mais la démission du maire vient contrarier ses plans. « Une fois l'inéligibilité prononcée, les élus de l'opposition auraient démissionné collectivement pour provoquer une nouvelle élection municipale anticipée », note Steeve Briois. Et ce n'est plus possible. Un texte de loi protège en effet les hommes politiques démissionnant de leur mandat de maire pour raisons de santé mais choisissent de rester au conseil municipal, ce qui est le cas de Daniel Duquenne : ici, quoiqu'il arrive, y compris des démissions en chaîne, le conseil municipal est réputé complet, rendant impossible une nouvelle élection. Le patron de la ville d'Hénin et sa majorité ont-ils manoeuvré pour empêcher un retour aux urnes, qui serait très favorable au FN ? Pour Steeve Briois, ça saute aux yeux, mais son parti veut rebondir. « On va ajouter une note en délibéré sur notre recours pour demander au conseil d'état de constater la manoeuvre et d'annuler l'élection », prévient-il, convaincu d'avoir trouvé une faille juridique dans la stratégie de Daniel Duquenne. En attendant la décision, le conseil municipal va devoir se réunir dans les quinze jours pour choisir un nouveau maire en son sein. Eugène Binaisse, le premier adjoint, est en pôle position.